De la santé comme au jardin

Ecouter, observer. La nature sait. Lui faire confiance, faire confiance en ses capacités de préservation et d’autorégulation, lui laisser la place et l’espace d’être à l’oeuvre. Entrer dans un jardin comme on entre en intimité avec soi-même. Avancer avec respect et bienveillance. Pas à pas la connaissance grandit. Se laisser surprendre. Intervenir avec modération et conscience, accompagner sans forcer, soutenir sans maîtriser, préserver sans aseptiser, protéger sans dominer. Remettre la nature au centre. De la permaculture à la naturopathie, du jardin au corps humain, tous les écosystèmes participent des mêmes lois. Petit jeu de miroir 
! 
(Photo "Les mains dans la terre" ©Delphine Evesque)

Un art du mouvement

Par essence ce qui est vivant est en mouvement. Le jardin ne peut être une représentation figée, immobile. La santé est aussi une danse d'équilibres à trouver.

Le jardin en mouvement 

« Faire le plus possible avec, le moins possible contre »  Gilles Clément

Gilles Clément, jardinier paysagiste replace avec plein de bon sens la nature au centre. Le constat est simple : l'idée d'une maitrise de la nature par l'homme est illusoire et même dangereuse. Le jardinier se laisse guider par le vivant, il observe la dynamique naturelle, les multiples interactions, les transformations permanentes et intervient dans le sens des énergies en place pour potentialiser les ressources présentes.

La santé en mouvement

" La santé est un état d'harmonie dynamique et holistique, fruit de la libre circulation de la vie sur tous les plans constituant l'humain. "  Daniel Kieffer
La pathologie survient quand cette libre circulation est entravée tant sur les plans physiques (sang, lymphe..), énergétique, psychique qu'émotionnel. La naturopathie vise à rétablir ces mouvements physiologiques naturels au moyen de l'alimentation, la respiration, la réflexologie, les massages, les exercices physiques, la psychothérapie et... la pratique intensive de la bonne humeur ! :-)  

Connaitre son terrain 

" L’observation de soi et l’observation du monde ne s’excluent pas mutuellement : en observant la forêt j’en arrive à mieux me connaitre. "  David G. Haskell
Mieux connaitre le fonctionnement de son organisme, c'est pouvoir comprendre, anticiper, agir en prévention, veiller sur l’équilibre et le maintien de ses propres forces vitales.

Au départ : l'observation 

Prendre le temps d’observer, d’écouter, de ressentir. Ce temps permet de récolter les indices, les signes, les informations utiles à la compréhension de ce qui est. Comment le vivant évolue sur ce terrain là ? Quelle végétation pousse spontanément ? Quelle topographie ? Quel type de terre ? Quel environnement ? Cette connaissance permet de prendre en compte l’ensemble des paramètres nécessaires à la réalisation optimale d'un jardin qui évoluera en fonction des saisons (ensoleillement et ombres, qualité du sol, écoulement des pluies, mouvements du vent, cycles biologiques de la flore et de la faune…).

En naturopathie, nous observons aussi : la géographie du corps, ses formes, ses couleurs, ses textures, ses odeurs, ses fleuves, ses mers et ses terres. Comment ce corps-ci se déplace, respire ? Est-il à certains endroits noué ? Quelle est son histoire, quels sont les voyages qui l’ont traversé depuis sa naissance ? 
Ecouter ce que le corps a à nous dire, à nous apprendre. Son parcours, ses accidents, ses sensations, ses manifestations sont autant de clés pour établir une relation d’intimité et de respect.

Qu’est-ce que le terrain en naturopathie ?

" Le microbe n'est rien, le terrain est tout "  Claude Bernard

La médecine holistique s'intéresse davantage au malade qu'à la maladie et cherche à renforcer la capacité de résistance et de défense de l'organisme plutôt que de combattre l'agent extérieur (virus, bactérie, microbe...). 
Le terrain est la somme de plusieurs facteurs : la constitution (ensemble des paramètres innées), le tempérament (ensemble des paramètres acquis) et la diathèse (paramètres actuels ou prédispositions réactionnelles). L'appréciation du terrain permet de déterminer les conseils et les stratégies les plus adaptés. 

Le terrain est en dynamique

Il évolue et se transforme. Avec l'épigénétique, nous savons aujourd'hui à quel point nos comportements (alimentation, tabagisme, stress...) et l'impact environnemental peuvent conduire à des modifications dans l’expression de nos gènes, sans affecter leur séquence. Le phénomène peut être transitoire, mais il existe des modifications épigénétiques pérennes, qui persistent lorsque le signal qui les a induites disparaît.
Il n'y a plus de fatalité mais bien que de la responsabilité, en voilà une bonne nouvelle ! 

Respecter les lois de la nature 

Une société dénaturée 

La société moderne nous éloigne de nos besoins fondamentaux. Revenir à des choses plus naturelles et plus simples afin de limiter les facteurs de dévitalisation et de surchages toxiques et toxiniques. 

Les 4 grandes sources de déséquilibres :

  1. L’alimentation : excès quantitatif, carence quantitative ou qualitative (appauvrissement de la teneur en vitamines et minéraux des aliments), choix d'aliments inappropriés (produits laitiers, sucre, alcool...), mode de cuisson, mode de production, techniques modernes employées (raffinage, ionisation, stockage, cultures intensives, traitements chimiques...), additifs, conservateurs.... 
  2. La sédentarité : sous oxygénation du sang et des tissus, mauvaise nutrition et drainage toxinique cellulaire, fragilité cardio-vasculaire et ostéo-articulaire, stagnations, excès de cérébralisation....
  3. Le stress : qu'il soit physique, psychique, émotionnel ou environnemental, il entraine un épuisement des systèmes nerveux, immunitaire et hormonal. 
  4. Les pollutions : elles sont omniprésentes et atteignent tous les secteurs (l'eau, l'air, la terre...). Nous sommes tous les jours en contact avec des perturbateurs endocriniens, des nanotechnologies, des métaux lourds, des pollutions électromagnétiques, des molécules de synthèse... 

Quels sont mes besoins pour me sentir bien ? 

De quelle quantité et qualité de nutriments j'ai besoin ? De quelle quantité d'eau, d'ensoleillement, de quel environnement j'ai besoin ?

Dans un contexte environnemental complexe, certains choix sont cependant à notre portée : 

  • Alimentation : alimentation bio, locale, de saison la moins transformée possible; modes de cuisson douce, ustensiles appropriés... 
  • Oxygénation : une respiration souple, douce et profonde; entrer en mouvement, bouger, marcher, pratiquer une activité physique modérée.
  • Contact avec les éléments naturels : l'eau (qualité et quantité des boissons, apports en sels minéraux...), le soleil (un ensoleillement raisonné est parfait pour le moral, la vitalité, l'immunité et la précieuse synthèse de Vit D), la terre, le vent, les animaux. 
  • Se détendre : massage, marche, qi qong, yoga, rire, chanter, danser, jardiner, nager, partager un moment entre amis, méditer... à chacun sa technique :-) 

Suivre le rythme des saisons

La nature suit des cycles, elle s'adapte, se transforme et se renouvelle à chaque saison.
La lenteur s’invite au jardin. Impossible de tirer sur la graine pour la faire pousser plus vite ou de récolter avant maturité. Il y a un temps pour semer, un temps pour cueillir, un temps pour laisser la terre se reposer. Nous ne mangeons pas des fraises toute l'année et notre organisme n'a pas les mêmes sollicitations, ni donc les mêmes besoins, en hiver qu'en été.  

Du jardin à la santé

Maitrise / Aseptisation  

Nous taillons les arbres d'une certaine façon, nous coupons ce qui dépasse, nous arrachons les herbes qui pourraient s'aventurer au delà des bordures, nous arrachons d'ailleurs celles que nous estimons mauvaises, nous tuons les parasites, nous cloisonnons l'espace, nous tuons la biodiversité, nous tuons les insectes, nous doppons aux engrais chimiques, nous voulons que la nature réponde à nos exigences de productivité. 

Nous nettoyons, stérélisons, aseptisons, nous bombardons d'antibiotiques, nous nous lavons 1 à 2 fois par jour avec des produits décapants, nous exigeons que nos corps aient telle ou telle forme et qu'ils répondent à toutes nos volontés. Nous intervenons de façon parfois intrusive lors de processus physiologique comme par exemple la surmédicalisation de la grossesse et de l'accouchement.

Intégrer au lieu de séparer / vision holistique

" Notre vision mécaniste et erronée du monde nous conduit à toujours penser que les éléments d’un système sont simples et ne remplissent qu’une seule fonction. Dans la nature, la multifonctionnalité est la norme. "  David Holmgren (Permaculture, principes et pistes d’action pour un mode de vie soutenable) 

Les thérapies holistiques proposent une vision globale et non morcelée, compartimentée, segmentée de l'individu. L'être humain constitue un tout cohérent qui ne peut lui-même être dissocié de son environnement et de ses interactions sociales. 

Autorégulation / homéostasie

Laisser faire le vivant : la nature a une capacité d’autogestion et d'autorégulation extraordinaire. De la même manière, le corps a une capacité d'autorégulation en laquelle nous pouvons avoir confiance, une capacité à maintenir l'équilibre de son milieu intérieur quelques soient les contraintes extérieures. L'organisme tend naturellement à maintenir la température corporelle, la pression sanguine, le rythme cardiaque, la glycémie... Il propose en cas de nécessité des réponses anti-inflammatoires, immunitaires, cicatrisantes, réparatrices... 

Ne produire aucun déchets
 / limiter la toxémie

En permaculture, nous trouvons la règle des 5R : 
Refuser de ne pas consommer quand ce n’est pas nécessaire/ Réduire au maximum les matières et l’énergie nécessaires à la consommation, consommer moins fréquemment
/ Réutiliser pour le même usage ou un usage plus pertinent/ 
Réparer : utiliser des compétences et une quantité très limitée de ressources supplémentaires pour restaurer une fonction/ 
Recycler.

Ces règles de consommation anti-déchets et de sensibilisation écologique sont directement appliquables dans notre façon de vivre au quotidien.

A un autre niveau, la notion de déchets peut s'apparenter à celle de toxémie. Bon nombre de pathologies sont liées à un encrassement, une accumulation de toxines que notre organisme ne parvient plus à éliminer par saturation des portes d'évacuation. Un excès de déchets fatigue l'organisme qui doit gérer l'empoisonnement au détriment d'utiliser son énergie à meilleur escient.  

Importance d'un sol vivant / importance du microbiote intestinal

" Un sol vivant est un sol dans lequel sont présents des êtres vivants, comme de tout petits animaux (collemboles, acariens, cloportes...), des micro-organismes (bactéries, champignons), des vers de terre. Cette faune va travailler le sol et décomposer la matière organique. Grâce aux bactéries et aux champignons, la matière organique est transformée en humus. Un humus stable est précieux parce qu'il libère progressivement les éléments nutritifs dont les plantes ont besoin (azote, phosphore, potassium, magnesium, ...), stocke l'eau et la restitue au fur et à mesure, amortissant l'impact des inondations et des sécheresses. " (source : monjardinenpermaculture)

En permaculture comme pour préserver la santé, il est important de maintenir et restaurer une vie microbienne riche et équilibrée.
Dans l'organisme il existe différents microbiotes indispensables (peau, bouche, vagin...) qui se composent de bactéries, virus, parasites, champignons non pathogènes. le microbiote intestinal est le plus important avec un nombre de micro-organismes 2 à 10 fois plus élévé que le nombre de cellules qui constituent notre corps. Il est unique pour chaque individu et se constitue dès la naissance. On sait qu'il joue un rôle fondamental dans les fonctions digestive, métabolique, immunitaire, neurologique. Restaurer la flore a donc un impact considérable dans le cas de maladies auto-immmunes, inflammatoires, du diabète, de l'obésité, la schizophrénie, l'anxiété, la dépression, les maladies neuro-dégénératives (Alzheimer, Parkinson).

Viser l'autonomie  

Obtenir un maximum de résultats avec le minimum de pertes et le moins d’efforts possible. Faire preuve d’observation, de bon sens et de logique pour créer des écosystèmes qui ne nécessitent que très peu d’interventions humaines. 

La naturopathie est avant tout une pédagogie de santé qui a pour objectif de responsabiliser chaque individu. 

 Photo : Les mains dans la terre © Delphine Evesque

  Coups de coeur :

  • Un livre étonnant, poétique et inspirant écrit par Alain Richert, paysagiste aux multiples formations (peinture, photographie, cinéma, médecine, botanique, ornithologie, horticulture) : "L''envers de l'endroit, éloge de l'incertitude" aux éditions Sens & Tonka
  • Autre lecture : " Un an dans la vie d'une forêt " de David G. Haskell aux éditions Flammarion, l'auteur biologiste, observe, jour après jour, durant un an, un mètre carré de verdure situé au milieu d'une forêt des Appalaches. Au fil des saisons, il s'émerveille de l'infinie ingéniosité des lois de la nature et s'interroge sur les modalités de cohabitation des êtres vivants.
  • Un site internet super bien fait et riche d'informations faciles d'accès pour faire ses premiers pas dans le jardin et découvrir la permaculture : www.monjardinenpermaculture.fr
  • Aucun livre ne remplacera l'expérience individuelle alors, belles observations et immersions dans la nature à vous !